Lilian Jégou, de la vie d'un pro aux Rouleurs de Mécaniques



Lilian Jegou a été professionnel entre 2003 (année durant laquelle il participait déjà au Tour de France) et 2010. Passé par les équipes du Crédit Agricole, la Française des Jeux et Bretagne Schuller, son palmarès fait état de 6 victoires chez les professionnels. Avec 3 participations au Tour de France et autant au Giro, et son expérience de 8 années chez les professionnels lui a permis de transmettre aujourd’hui son savoir auprès des Rouleurs de Mécaniques.

Lilian a eu son « baptême » avec les jeunes durant l’été 2020 avec un encadrement d’un groupe sur le stage montagne.

Pour 2021, il sera présent sur davantage de stages et en organisera même un, en Bretagne, une région qu’il connait comme la poche arrière de son maillot.

L’occasion était trop belle de faire le point sur quelques faits marquants de sa vie de cycliste, passée, présente et à venir, tout en récupérant de précieux conseils pour les Rouleurs de Mécaniques.

Les Rouleurs de Mécaniques : Si tu devais décrire les 3 souvenirs les plus forts de ta carrière professionnelle, quels seraient-ils ?

Lilian Jegou : Forcément, j’ai plus de 3 souvenirs qui me viennent en tête, mais voici peut-être les 3 plus marquants qui me viennent :

1. Forcément quand on dit qu’on est coureur cycliste professionnel, la première question qui vient c’est : « et tu as fait le Tour ? ». Pour ma part, j’ai eu la chance d’être sélectionné au Tour de France 2003 dès ma première année chez les professionnels. Je me revois au départ du prologue dans les rues de Paris, de ce Tour du Centenaire avec la Tour Eiffel en arrière-plan !
Un moment inoubliable, alors qu’un an plus tôt j’étais encore amateur et que je ne savais toujours pas si j’allais passer Pro !

2. Le 2ème est ma première victoire chez les Pros. J’en suis à ma 4ème saison (la 2ème dans l’équipe de la Française des Jeux), j’ai déjà participé à 2 Tours de France, 2 Tours d’Italie, j’ai connu de nombreux podiums, mais toujours pas la « gagne ». Moi qui trustais les victoires chez les amateurs, avec plus d’une douzaine ma dernière saison à cet échelon, je butte depuis 4 saisons à l’étage supérieur !
Ce fut chose faite lors de la 3ème étape du Tour du Limousin, où on arrive en échappée à 4. D’ailleurs sur la photo d’arrivée, on me voit lever les bras en soupirant d’un « Ouf de soulagement : ça y est je l’ai fait ! »

3. La 3ème, c’est ma grosse chute en 2008 sur la 8ème étape du Tour de France.
Je suis alors celui qui a le plus de kilomètres d’échappée sur ce Tour, avec 2 grosses échappées sur la 1ère et 5ème étape, et je suis sans doute dans la meilleure forme de ma carrière. Le peloton est scindé en 3, et je suis dans la 1ère partie, quand une vague vient me projeter hors de la route pour m’empaffer sur un platane ! Bilan : perte de connaissance, multi-fractures, fin de course, fin de saison, et retour à la maison.
Bon, la bonne nouvelle, c’est que le lendemain que de mon retour chez moi, ma femme qui était enceinte accouche et j’ai pu assister à la naissance de notre 1er enfant … on appelle ça le destin !?!
Quand tout s’éteint, il y a toujours une flamme qui se rallume !

RdM : Ta 1ère expérience avec les Rouleurs de Mécaniques en montagne t’avait surpris en termes de qualités physiques et techniques. Quels aspects en particulier ?

L.J. : Les descentes de cols. Dans le sens où voir tous ces jeunes en file indienne, enchainer virage après virage à un mètre des uns des autres. C’est propre, c’est beau … rien à voir avec des stages adultes, où ça part dans tous les sens, qui appelleraient ça de l’insouciance. Moi j’appelle ça de l’assurance, faut juste les driver, les responsabiliser et leurs donner les bonnes consignes. Mais c’est ce qui fait le professionnalisme des stages Les Rouleurs de Mécaniques !

RdM : Qu’est-ce que ton passé de professionnel t’a permis de leur transmettre précisément ?

L.J. : Mon parcours sans doute : je prends ma 1ère licence de vélo à 21 ans après 12 ans de Handball, et je passe Pro 6 ans après, pour faire le Tour dès ma 1ère saison ! Même si ça date d’une vingtaine d’années, les caractéristiques du vélo font qu’on peut tous éclore avec le temps. Pas besoin de se précipiter et sacrifier ses études pour y arriver !

RdM : Une anecdote en particulier à raconter sur ce séjour ?

L.J. : Les sujets de conversations à table entre les jeunes. Je pense que durant l’année, ils se retrouvent un peu esseulés à l’école pour échanger sur leur passion. Et là, le temps d’un séjour « Les Rouleurs de Mécaniques », ils sont regroupés pour une semaine de vélo. Et tous les sujets y passent : courses Minimes, Cadets, Challenge Madiot, jantes carbones, freins à disques, lunettes, casques, Alaphilippe, l’arrivée au Ventoux, les braquets, les watts, les KOM’s…
Pendant une semaine, Ils parlent vélo, mangent vélo, dorment vélo, et surtout ils pratiquent le vélo !

RdM : Quels seront les temps forts du stage en Bretagne, appelé « Morbihan entre terre et mer » ?

L.J. : Je le vois plus comme un séjour vélo, qu’un stage vélo. Parce qu’il s’adresse à des 10/14 ans, et que le but, c’est de profiter du vélo en itinérant pour rouler et découvrir l’histoire du sud de la Bretagne. L’histoire vélo avec quelques lieux mythiques comme la côte de Cadoudal à Plumelec, qui sera notamment gravi par le Tour de France une semaine avant, mais aussi l’histoire tout court : la forêt de Brocéliande, le site Mégalithique de Carnac, en contournant le Golfe du Morbihan.

RdM : Est-ce un séjour pour « puncheurs » ou pour « grimpeurs » ?

L.J. : Même si l’on ira gravir l’un des 8 cols référencés en Bretagne : le col du Toulgrand qui culmine à 133 m est accessible par tous, même aux « non grimpeurs » ! En revanche, la 1ère étape du séjour propose quelques belles bosses où les puncheurs pourront exprimer leurs qualités ! Mais promis, en haut, on attend tout le monde pour repartir ensemble … jusqu’à la suivante !

RdM : Quels conseils donnerais-tu à un(e) jeune dont le but est de passer professionnel ?

L.J. : Personnellement, passer professionnel n’a jamais été un but. En commençant à 21 ans le cyclisme, c’était avant tout un loisir, puis une passion et ensuite un métier. Si j’ai réussi à être coureur cyclisme professionnel, c’est que j’ai saisi des opportunités. Car plus je progressais, et plus je m’y impliquais, et plus je m’y impliquais et plus je progressais. Mais le but 1er n’était pas de passer professionnel, mais de progresser !
Je pense que lorsqu’on est jeune, c’est aussi l’idée qu’on doit s’en faire : s’entrainer, bien s’alimenter, bien se reposer, pour progresser et gravir les marches, une à une. Plus on grimpe de marches et plus elles sont hautes et difficiles. Et en passant coureur cycliste professionnel, cela ne signifie pas qu’on a fini de gravir cet escalier, car il restera toujours une dernière marche qu’on ne gravira peut-être jamais. Ce qu’il faut c’est vivre sa passion à fond pour gravir un maximum de marches, sans négliger l’escalier de secours ! Car c’est souvent celui-ci qui vous fera entrer dans la vraie vie active !


Par Olivier Dulaurent pour les Rouleurs de Mécaniques